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Ce que j'appelle oubli / Laurent Mauvignier
Livre
Edité par les Ed. de Minuit. [Paris] - 2015
Un homme entre dans un supermarché, ouvre une canette de bière et la boit. Les vigiles l'arrêtent. En forme de longue lettre adressée au frère de cet homme, cette fiction est inspirée d'un fait divers survenu à Lyon en 2009.
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Un homme ne doit pas mourir pour si peu…
Librement inspiré d'un fait divers survenu à Lyon en 2009, le récit de Laurent Mauvignier évoque la mort violente d'un jeune homme dans l'arrière-boutique d'un supermarché, battu à mort par quatre vigiles pour une simple canette de bière volée. « et ce que le procureur a dit, c'est qu'un homme ne doit pas mourir pour si peu… » le récit commence sans majuscule par la conjonction « et », et se poursuit tout au long de soixante pages en une seule phrase qui se déploie, pleine de rythmes et de cassures. Une seule phrase qui coule sans début ni fin, comme la vie même qui continue malgré les violences et les morts. Mauvignier extrait son personnage de l'oubli et de l'indifférence quotidienne en lui donnant une voix dont celui-ci a toujours été privé jusqu'ici. Il y a eu la folie, la gratuité du geste barbare des quatre vigiles, pourtant le récit fictif que dresse Laurent Mauvignier s'éloigne volontairement de la réalité factuelle. Ce n'est plus le jeune réellement frappé à mort en 2009 mais un jeune homme qui aurait pu être lui et qui devient le centre du récit, le narrateur s'adressant au frère de cette victime, emblématique d'une incroyable bêtise et d'une effroyable violence. Tout est pourtant affreusement banal, les personnages sont des plus ordinaires, rien ne pouvait laisser présager cette incroyable violence. C'est certainement ce qui est le plus inquiétant : chaque élément de ce fait divers est neutre, le type qui boit la canette, les vigiles qui l'arrêtent… rien ne prédispose au meurtre, et pourtant…
M BERTRAND Jean-Daniel - Le 16 avril 2021 à 09:16