La Vie devant soi : roman / Emile Ajar

Livre

Gary, Romain (1914-1980)

Edité par France loisirs. Paris - 1976

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Avis

Avis des lecteurs

  • Roman incontournable de la littérature française 5/5

    Roman incontournable de la littérature française, ce livre a reçu le Prix Goncourt en 1975, prix attribué à Émile Ajar, pseudonyme sous lequel se cachait Romain Gary, déjà récompensé en 1965 pour Les Racines du ciel. Les articles de l'époque furent, pour la plupart, élogieux car les critiques s'enthousiasmèrent pour ce livre par son style et son humour hors normes. Tout le récit repose sur un exercice de style assez périlleux, mais tout à fait réussi puisque dès la première page on oublie l'écrivain. Dosant subtilement l'ironie et l'humour noir, le roman est écrit à la première personne, avec la vision d'un enfant de 14 ans, séparé à 3 ans de sa mère prostituée, sans instruction mais très observateur, particulièrement curieux et vif d'esprit, qui regarde la société et ses moeurs avec les yeux d'un enfant de son âge et avec ce que la vie lui a donné comme codes pour comprendre les choses. L'attention du lecteur est donc portée vers Momo, cet enfant singulier qui nous raconte sa vie et son environnement à sa manière, et qui donne le ton au récit. Libéré du style littéraire habituel de Romain Gary, l'auteur invente un nouveau style parlé enrichi d'un langage nouveau et familier qui convient tout à fait à ce roman. Les mots, la syntaxe et les phrases sont déformés, les maladresses, les incorrections et les réflexions naïves en apparence provoquent souvent un effet comique. Il les sculpte pour en tirer une musique qui est celle de Momo et qui nous attendrit tout au long du roman. Romain Gary tente avec succès un exercice très risqué que peu d'autres écrivains ont réussi. La langue de Momo ne nous lasse jamais et nous ravit par sa fraîcheur ; bien qu'il ne soit qu'un enfant Momo a une grande lucidité. Si Momo est le narrateur qui donne le ton au récit, Madame Rosa en est l'épicentre. C'est autour d'elle qu'est construit tout le roman. C'est d'elle que naît l'émotion. Madame Rosa n'a que soixante-cinq ans mais est en très mauvaise santé. C'est une juive polonaise, devenue prostituée qui a vécu la rafle du Vel' d'Hiv et la déportation. A son retour des camps, Madame Rosa a continué à faire le trottoir pendant quelques années puis, trop vieille et trop flétrie, a élevé des enfants de prostituées afin de leur éviter d'être placés à l'Assistance publique. Avec le temps, sa santé se détériore, son médecin veut qu'elle aille à l'hôpital, elle refuse. Pourtant elle vit seule avec Momo, en haut d'un immeuble sans ascenseur, où elle peine à faire monter ses kilos superflus, puis devenue incapable de se déplacer, elle reste cloîtrée chez elle, vêtue de vêtements invraisemblables. L'angoisse de Madame Rosa est d'être obligée de finir ses jours à l'hôpital, dégradée et « transformée en légume ». Ce n'est pas tant la mort qu'elle craint, que les conditions dégradantes de survie qui l'accompagnent. La jeunesse de Momo est confrontée à l'angoisse d'une vieillesse désespérée d'une femme qui veut pouvoir mourir dans la dignité. Momo raconte avec simplicité et familiarité son histoire, sans peine ni tristesse, bien qu'il vive dans un milieu de grande pauvreté. Sa vie est normale, c'est la vie. Tout ce qui est raconté n'est jamais un apitoiement, Momo ne porte pas de jugement, il constate. L'humour involontaire et l'infinie tendresse de Momo à l'égard des hommes nous font échapper à la noirceur. le lecteur est forcément touché car ce qu'il raconte est dur mais il le rend souvent beau et presque sans gravité ; le ton général du roman est si léger et décalé qu'il fait souvent oublier les épreuves que traversent les personnages. C'est l'entraide entre les personnages du roman qui est ici mis en valeur. Peu à peu l'intrigue prend le pas sur la narration et on se surprend à s'attacher à ces figures pittoresques. Avec talent, Emile Ajar, ou plutôt Romain Gary, donne vie à toute une faune et nous passionne tout en nous renseignant sur l'amour, l'existence humaine et la signification de l'expression « vivre sa vie ». Il décrit avec finesse la tendresse qui unit le petit Momo et Madame Rosa, ce lien affectueux qui ne fait que croître au cours du récit. Avec une grande pudeur, Emile Ajar raconte une histoire d'amour filial entre un petit musulman et une vieille juive, entre deux êtres qui ont été privés d'amour toute leur vie et qui ne se sont jamais autorisés à l'exprimer. Un roman émouvant où Romain Gary arrive à nous toucher et à nous transmettre des valeurs importantes comme la tolérance, la tendresse, l'amour et l'amitié. Une superbe histoire de générosité, d'humanité et de solidarité, un magnifique roman.

    M BERTRAND Jean-Daniel - Le 29 décembre 2022 à 14:04